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Tag vieillepeau sur Ad Astra 1464529898-ong4Sujet: nolan + money is the anthem of success (uc)
Nolan Le Floch

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Rechercher dans: A dos d'abraxan   Tag vieillepeau sur Ad Astra EmptySujet: nolan + money is the anthem of success (uc)    Tag vieillepeau sur Ad Astra EmptyVen 25 Mar - 18:17
Les allégories princières Partie 2: La Consécration


006. SACRAMENT. « Alors ça y est, nous avons réussi. » murmurai-je du bout des lèvres tandis que nous nous tenions debout devant cette grande bâtisse qui allait devenir notre école, notre nouveau foyer. Cette entrée à Beauxbâtons, je l'avais rêvée, je l'avais fantasmée, je l'avais attendue. J'avais travaillé dur pour réussir les examens d'entrée et mon cœur s'était gonflé de joie lorsque j'ai reçu le courrier officiel d'admission. Je l'avais relu une bonne dizaine de fois. Ça y est. J'étais admis pour de bon, j'allais pouvoir me lancer dans un apprentissage intensif de la magie, j'allais pouvoir explorer les côtés sombres de mes pouvoirs, donner le meilleur de moi-même. J'allais pouvoir montrer au monde entier qui était Nolan le Floch, le prince breton, l'enfant qui était né sur les terres du bout du monde. Je me souviens de m'être avancé vers la fontaine qui, disait-on, avait été créée par Nicolas Flamel lui-même et qui se chargeait de distribuer les pierres aux nouveaux étudiants. Jadérial. Le jade, le vert, la justice. L'écrin des valeureux, des guerriers, des inflexibles. Les défenseurs de la veuve et de l'orphelin, la terre, les principes, les racines. À la Cour, personne n'ignorait d'où je venais, ni que j'étais la pupille des Leblois, le plus fidèle compagnon du Prince. Ils savaient que j'étais dans leur giron depuis longtemps, bien que je n'étais pas de leur sang. Cela m'a valu quelques insultes. Bâtard était un terme qui revenait souvent, provoquant en mon for intérieur une colère sans nom. Ils ne savaient rien, tous autant qu'ils étaient. Ils ne connaissaient rien des drames qui avaient façonné ma vie et qui m'avaient privé d'être chers. Ils ignoraient que mes vrais parents m'ont tourné le dos parce qu'ils avaient mieux à faire que de s'occuper de moi. Quelque part, heureusement que j'avais les Leblois. Les liens du sang ne signifiaient pas grand-chose, ils n'étaient en rien un indicateur fiable de l'amour que nous ressentions les uns pour les autres. « Ne fais pas attention à eux. » souffla Hortense, qui glissa sa main dans la mienne. Silencieux, je tâchais de me concentrer sur le contact de nos paumes, un contact qui pouvait paraître un peu trop intime pour un regard extérieur. La présence d'Hortense m'apaisait, elle était le meilleur des remèdes à l'infinie tristesse qui était mienne depuis des années maintenant. Elle savait trouver les mots comme personne. C'était presque gênant. Je n'étais pas féru des marques d'affection en public, j'étais même extrêmement réservé. Pourtant, il y avait ce surnom que je lui avais attribué depuis longtemps. Fée. C'était ce surnom qui flottait entre nous lorsque nous étions en privé, à peine un murmure, quelque chose qui n'appartenait qu'à nous.  « ça ira. » répétait-elle de sa voix douce et rassurante. « Je sais. » répondis-je simplement, en regardant l'horizon, droit devant moi, impatient de découvrir ma destinée, de montrer que je n'étais pas que l'ombre du Dauphin. Aujourd'hui, je n'étais personne, demain je serai quelqu'un. Tous se souviendront de Nolan le Floch, le prince de Cornouailles, un personnage digne des légendes arthuriennes.

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007. KNIGHT. Je n’avais pas spécialement de velléités d’entrer en politique. À ce stade de ma scolarité, mon avenir était encore flou, je ne savais pas très bien ce que j’allais faire de ma vie. Étant brillant élève ET pupille des Leblois, il s’offrait à moi une infinité de possibilités toutes aussi alléchantes les unes que les autres. Je n’avais limite qu’à faire mon choix, je savais qu’on ne me refuserait rien. Seulement, j’étais face à un dilemme. Je pouvais avoir tout ce que je voulais d’un simple claquement de doigts, oui, mais que désirais-je réellement? Je ne le savais même pas. Je n’avais jamais réfléchi à la question à dire vrai, je me fiais plus volontiers à mon instinct. Je sautais d’occasions en occasions, j’attendais parfois pendant longtemps, mais j’obtenais toujours un résultat. Je savais être patient, parfois. En attendant, je me glissais dans le rang, je faisais ce qu’on attendait de moi. Je m’accrochais encore à cet idéal absurde qu’était la famille et la fierté des parents pour leur enfant. J’avais le désir d’arracher un semblant de fierté à mes parents, ceux que je m’efforçais de renier depuis le début sans jamais y parvenir. Peut-être qu’au fond, tout au fond, je rêvais encore d’une famille heureuse et unie, même si ma raison m’intimait de ne pas trop y penser, parce que cette perspective ratée me faisait mal plus que de raison. Je me tuais avec mes rêves, alors pourquoi ne pas embrasser la réalité pour de bon, quitte à devenir cet individu fade et amer, sans désirs ni rêves que je me refusais à être depuis le début? Au fond, j’étais juste ce gamin perdu qui cherchait encore son identité, qui n’était certain de rien, et qui avait conscience que son imposture pouvait s’étioler d’un instant à l’autre, sans autre forme de préambule. Je vivais quotidiennement avec cette hantise, quand bien même mon allégeance à la couronne me laverait de tous soupçons. Tant par conviction que par honneur, j’étais profondément royaliste, patriote à outrance, limite  même chauvin. Ma fidélité envers Marien était inébranlable, je ne retournerais pour rien au monde ma veste. Je n’avais qu’une parole, et je la respectais toujours. Qui plus est, ma dette envers les Leblois était bien trop grande pour que je songe seulement à les trahir un jour, je n’étais pas quelqu’un d’ingrat, je leur étais même profondément reconnaissant. Cette même reconnaissance ne sera jamais assez pour éponger ma dette, et à présent, elle m’écrasait. Je détestais être redevable de quelqu’un. Pourtant, c’est cette dette qui me mena indirectement à entrer dans l’obédience des onze. J’ai intégré ce cercle secret très vite, et j’en ai pris la tête plus vite encore: qui, mieux que l’individu le plus proche du futur roi de France était le plus digne de figurer à la tête de ce groupuscule?

Cette proclamation changea mon avenir du tout au tout. Ce fut ainsi que je parvins à me hisser au sommet de la hiérarchie au sein même de Beauxbâtons, devenant une des personnes les plus influentes et en vue de l’école. J’étais quelqu’un d’exemplaire, droit comme la justice, qui croyait dur comme fer à ses principes, qui avait une conviction inébranlable en ses idéaux. J’étais un modèle de droiture et de vertu, j’étais inaccessible et surtout incorruptible. Ce n’était pas moi qui faisais mes petites combines en douce, qui acceptais tous les pots de vin divers et variés, ou qui accordais des privilèges à l’une personne ou l’autre pour des raisons toutes aussi obscures les unes que les autres. Mon jugement était infaillible, sans appel, et beaucoup furent chassés de l’obédience pour pas grand-chose, je ne tolérais pas que quiconque ne bafoue les principes, les valeurs que nous défendions. J’étais à la recherche de la perle rare, celle qui était la plus à-même de briguer notre credo à la perfection. C’est alors que je la trouvai, ma perle rare. Elle avait une chevelure de feu et un caractère bien trempé. Elle avait attiré mon attention non en raison de son excentricité, mais parce qu’elle m’observait bien trop souvent à mon goût. Il fallait que je sache pourquoi elle me vouait tant d’intérêt, moi qui pourtant n’étais pas connu pour mes conquêtes amoureuses, jusqu’alors inexistantes. Et à l’instant même où je l’avais vue, j’avais su que c’était elle, elle qui était digne d’intégrer mon obédience malgré son apparente fragilité. Oh, elle n’avait rien d’extraordinaire, elle n’avait rien d’une noble, encore moins d’une sang-pur, et pourtant, il y avait cette volonté de fer, cette détermination qui m’avait laissé rêveur. « Estelle, c’est ça? » avais-je susurré d’une voix doucereuse, légèrement rauque, invitant l’étudiante à me suivre plus loin, à l’abri des regards indiscrets. Je n’avais rien dit de plus, à part peut-être me fendre d’un sourire énigmatique, qui voulait tout dire. « Rendez-vous demain au patio vénitien. Ne t’apprête pas trop, il vaut mieux se mettre à l’aise. » Puis, je l’avais plantée là, sans rien ajouter de plus, lui donnant ce rendez-vous obscur, espérant au fond qu’elle allait s’y rendre. Et, le lendemain, à ma grande satisfaction, elle était là, pas très à l’aise, j’en conviens, mais tout de même présente. Sans même prendre la peine de la saluer, je lui avais ordonné de sortir sa baguette et je lui avais fourni une épée. Je l’avais saluée, puis elle m’avait imitée très maladroitement, sans trop savoir ce que je lui voulais. Puis, j’engageai le combat. Les épées s’entrechoquèrent, les sorts fusaient, c’était un duel sans merci, acharné. C’était presque un duel à mort. « Non, pas comme ça! Du nerf, Duchesne, je ne veux pas voir ça! Tu espères vraiment remporter un duel comme ça? » Les piques fusaient, odieuses et meurtrières. Je ne l’épargnais aucunement, tant par les mots que par le fer. J’ignorais ses soupirs fatigués, j’ignorais ses suppliques, je n’écoutais rien venant d’elle, je voulais l’endurcir, quitte à la malmener un peu. Certes, ma méthode n’était guère très orthodoxe, mais je n’en avais rien à faire, j’avais voulu la prendre sous mon aile, elle devra en payer les conséquences. Peu, à cette heure, pouvaient se targuer d’avoir attiré mon attention de la sorte, aussi n’avait-elle pas à se plaindre. « ça ira pour aujourd’hui. » la congédiai-je, sèchement. « je t’attends demain à la même heure, au même endroit. Je ne tolèrerai aucun retard. » Sincèrement, je m’étais attendu à ce qu’elle déserte, tant j’avais été odieux avec elle, mais elle ne céda pas, elle revint à chaque fois, déterminée et farouche. À mesure des séances d’entraînement, elle gagnait en force et en assurance, en habileté également. J’étais fier de mon élève, même si je ne le montrais pas pour qu’elle ne se repose pas sur ses lauriers. Au terme d’une année d'entraînements intenses ponctués combats au corps plutôt torrides , je décrétai enfin qu’elle était prête. Pourtant, cette fois-là, ce fut elle qui vint à moi et non l’inverse. J’accueillis mon élève avec un sourire narquois aux lèvres, ayant parfaitement conscience qu’elle allait me dire quelque chose, je ne la connaissais que trop bien, désormais. « Tu es prête. » coupai-je finalement, sans lui donner le temps de répliquer. « Il ne faut jamais abandonner, Estelle, jamais. Même quand la situation te semble désespérée. » Et en avisant son expression médusée, je sus que j’avais visé juste. Comme d’habitude.

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008. TYRANT. Bien sûr que je n’étais pas un saint, il serait erroné de le croire. De même que je n’avais jamais prétendu l’être. Comme tout le monde, j’avais mes travers, mon âme avait des recoins sombres rarement explorés. Comme tout le monde, j’avais des failles, des faiblesses avec lesquelles on pouvait aisément jouer, quand bien même elles seraient bien cachées. Je ne me prétendais nullement invincible,  les autres m’avaient hissé sur ce piédestal sans même quémander mon consentement, de toute façon, je n’avais pas mon mot à dire. Dans le fond, je savais bien que je n’étais qu’un pion que l’on déplaçait sur un grand échiquier. Ce serait se bercer d’illusions que de croire que j’étais acteur de ma propre vie. Il ne fallait pas croire, même les hommes les plus influents de ce monde étaient des pantins. Pour autant, j’agissais à mon échelle. J’avais le pouvoir, n’en serait-ce qu’une petite parcelle. En arrivant à Beauxbâtons, j’avais déjà appris à être hautain, méprisant, à être élitiste. On ne pouvait pas dire que je ne savais pas m’entourer, loin s’en faut. Pendant un certain temps, ma nomination à la tête des Onze fut contestée. On doutait que j’en sois réellement capable, on savait bien me rappeler que j’avais obtenu cette place parce que j’étais un proche de Marien. Pourtant, je me suis imposé, en me montrant juste et impartial, en menant mes troupes d’une main de fer, comme le ferait un général avec ses soldats. Une poigne de fer dans un gant de velours, c’était exactement ça. Je savais me montrer charmant et affable quand il le fallait, tout comme je pouvais montrer mon pire visage simplement parce que je n’aime pas l’autre personne. Beaucoup, en définitive, auront subi les affres de mon mépris. Seul Thibaut Bartholdi aura eu quant à lui le privilège de goûter à mon acrimonie la plus brutale, la plus absolue. Jamais je n’aurai autant haï une personne que j’ai pu haïr celui-là. Les autres m’indifféraient, tout simplement. Les nuisibles, quant à eux, je les écrasais d’un coup de talon, sans pour autant me préoccuper des dommages collatéraux que j’étais susceptible d’engendrer. Car évidemment, et ce, j’en étais si peu fier, j’en avais détruit des réputations, poussé d’autres au suicide social. J’avais compromis la réussite de certains dans le haut monde. Comme le disait Montesquieu, et ce à juste titre, quiconque disposant du pouvoir tend à en abuser. Etant l’une des personnes les plus influentes de Beauxbâtons, je devais obligatoirement y être sujet un jour ou l’autre, ce n’était qu’une question de temps.

Je savais bien que l’entrée d'Estelle dans l’Obédience des Onze allait susciter des émules parmi nous. Il s’agissait bien à ce jour d’une des décisions qui a été le plus contestée. Laisser rentrer dans l’obédience une roturière, étais-je tombé sur la tête? Pourtant, j’assumais mes choix, je les affirmais haut et fort, je ne m’en cachais absolument pas. Si j’avais recruté Estelle, c’était bien parce qu’il y avait une bonne raison, et personne n’avait le droit de remettre en cause mon choix. Personne. Sauf que, le lendemain de l’entrée de ma protégée au sein de l’obédience, quelqu’un fut assez fou pour seulement me défier. « Sérieusement, Nolan, une roturière? » Je toisai mon collègue, froidement. À présent, ça me revenait. Il s’agissait l’un des rares trublions à ne pas avoir voté pour l’entrée d'Estelle au sein des Onze. « Peu importe. » coupai-je, durement, tandis que je rivais mes prunelles glacées dans les siennes, comme si au fond je croyais que mon seul regard allait suffire à le faire abdiquer. « Elle défend nos idéaux et je l’ai entraînée personnellement pour qu’elle soit enfin digne d’être des nôtres. Dès lors, je n’ai pas à justifier mon choix, est-ce bien clair dans ton esprit? » L’autre déglutit, faiblement. Il savait qu’il ne fallait pas trop me titiller sous peine de déclencher mes colères qui étaient aussi rares que colossales. Avait-il conscience qu’il avait fait le pas de trop? Déjà qu’auparavant, je l’avais déjà dans le collimateur…  « Nous sommes censés prendre des décisions de façon collective et… » « Le sens du terme majorité t’échapperait-il? » glissai-je d’un ton diablement moqueur, tandis qu’un sourire méprisant venait ourler mes lèvres. « Il me semble que l’entrée d'Estelle  a été votée à la majorité. » « Peut-être, mais son entrée était jouée d’avance puisque TU l’as décidé. » à ces mots, je me raidis. Mes yeux se plissèrent, tandis que je sentais le goût âcre de la colère m’envahir la bouche. Comment osait-il? « Qu’est-ce que tu insinues? » demandai-je, non sans m’efforcer de rester stoïque autant que faire se peut. « Que mes décisions sont adoptées par l’ensemble de l’obédience simplement parce que je leur fais pression, ou pire encore, qu’on me respecte simplement parce que je suis le plus fidèle acolyte de Marien? » Je respectais toujours le futur roi de France, mon ami, mon frère, il ne fallait pas croire, mais j’avais horreur que l’on se permette de remettre en cause mon autorité sur ce seul fondement. « N…Non! » bredouilla l’autre alors qu’il devait probablement sentir la colère affluer en moi. « Je n’ai pas…je n’ai pas… » « Tais-toi! » crachai-je froidement. «L’entrée d'Estelle Duchesne au sein de l’obédience des onze est irrévocable. Si tu n’es pas d’accord avec cela, il t’est toujours loisible de partir. » « Les onze sont tombés bien bas depuis que tu en as pris la tête. » murmura l’autre avant de me planter là, ce qui ne manqua pas d’attiser ma colère. J’étais en colère non pas parce qu’il osait défier mon autorité, mais parce qu’il venait de mettre le doigt sur une corde sensible. À mon arrivée ici, je n’étais personne, aussi, je devais ma place actuelle à une succession de coups de poker. Et après le départ de mon collègue, je me sentais encore plus mal. Voilà que ça me reprenait. Avais-je vraiment mérité cette place? La question ne me hanta pas bien longtemps, juste le temps de me tempérer en fait. Ce n’était pas quelques individus jaloux qui allaient remettre en question tout ce que j’avais accompli avec talent. Pour autant, rien n’était pardonné. Quelques semaines plus tard, alors que personne n’avait rien vu venir, j’avais expulsé pour la première fois quelqu’un du conseil des Onze, simplement sur un coup de sang. Croyez-le ou non, j’en ai eu honte pendant longtemps tant je répugnais à abuser des pouvoirs qui m’étaient conférés, mais je ne suis jamais revenu sur ma décision. J’étais inflexible, mon jugement était parfois impitoyable, et ça, on ne pouvait pas me l’enlever.

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009. TECHNICOLOR.   Oublier, vivre, repousser la douleur, toujours plus loin, toujours plus longtemps. Cela faisait quelques années que ma vie ne tenait plus qu'à un fil, que j'avais l'impression d'être un funambule qui flirtait avec les abysses. Je savais qu'il arrivera un jour où la corde finira par se rompre, puis je me pendrai avec mais j'essayais de ne pas y penser. J'étais jeune, j'étais désinvolte, j'étais encore insouciant. Je planquais mes terreurs nocturnes dans les jupons de ces filles, je déguisais mes cauchemars avec des motifs psychédéliques. Je me réfugiais volontiers dans ces paradis artificiels qui me semblaient si précieux, si essentiels. La vérité, c'était sans aucun doute que je ne pouvais plus m'en passer, et c'était ça le plus triste. J'étais jeune et pourtant, je me traînais comme un vieil alcoolique dans les bars, rampant jusqu'au comptoir pour réclamer ces quelques gouttes de nectar divin qui me projetteront dans les étoiles. Autour de moi, je sentais l'étau me resserrer, j'essayais de ne pas trop penser à ces angoisses qui me compressaient la poitrine. Si j'échouais dans de tels lieux de perdition, c'était pour oublier. Alors j'oubliais, un soir, deux soirs, puis je finissais par zapper des pans de vie entiers, parfois je ne me rappelais plus, c'était le trou noir et des souvenirs impossibles à retrouver, comme s'ils avaient été effacés de ma mémoire. Je ne sais pas, je ne sais plus alors je plonge, sans trop savoir où tout ceci va mener.

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010. LOVE. Elle venait souvent me regarder pendant que je livrais un duel. Elle se promenait aux alentours du patio vénitien, sa lourde chevelure d'ébène tombant sur ses reins. Elle contemplait ma hargne, la rancoeur qui était mienne quand je me battais, quand je croisais le fer et la baguette. C'était l'obscurité de mon âme qui l'avait séduite, intriguée, qui l'avait poussée à en savoir plus à mon sujet. C'était la première fois que je remarquais qu'elle était là, elle qui se détachait très nettement de la foule de mes admiratrices, avec une cruelle acuité. Elle me regardait, et tout à coup, le monde sembla se délabrer sous mes pieds. Elle avait vu, et ça me paraissait d'une importance capitale. Je brûlais de savoir ce qu'elle en avait pensé. Elle, c'était Erendis Doriath, la princesse de glace, l'autre moitié de mon âme tourmentée. Elle était à la fois la lumière et les abysses, le sublime et la géhenne. Elle était la Rubissane, tout et mon contraire. Mon regard était captivé par ses prunelles glacées, par ses lèvres carmin. J'avais envie de les goûter, de les mordre, de la posséder toute entière. C'était le désir, ardent et impétueux qui s'insinuait dans mes veines, qui ravageait tout sur son passage. C'était mon cœur qui était à l'agonie quand elle n'était plus là, et qui la réclamait à corps et à cris. L'amour m'avait toujours paru futile, je prétextais ne pas avoir le temps pour ce genre de blague, je me voulais inaccessible et pourtant, elle m'avait atteint en plein cœur, en plein dans mon âme, elle avait contaminé mes sens et mon essence. Je l'avais taquinée sous couvert de fausse modestie. Dans le fond, j'avais besoin d'assouvir un désir purement narcissique : à travers ses yeux, je contemplais mon propre reflet. Son âme brisée me renvoyait mon image en tant d'exemplaires qu'il était nécessaire. Elle m'intriguait, me fascinait, elle me donnait envie de me perdre dans des contrées lointaines dont je ne pourrai jamais revenir. Elle m'avait défiée en duel, elle avait été un adversaire redoutable. Je ne sais plus qui avait gagné, mais elle a tatoué mon âme, elle a gravé ma chair de son sceau. Puis il y a eu un baiser, échangé lors d'un bal comme nous en connaissions souvent dans notre monde. C'était bien plus qu'un baiser, c'était une promesse. C'était la promesse d'un avenir à deux, d'un engagement sur le long terme, le seul et unique engagement de toute ma vie. Dans le fond, j'avais choisi ma Reine, celle avec qui je partagerais volontiers mon royaume, ma Bretagne, sans aucune concession. Fougueux, impétueux, pas raisonnable, je lui avais demandé sa main. Il fallait me pardonner, j'étais profondément épris, porté par ce nouveau souffle, cette seconde jeunesse. Pourtant, j'ai tenu à ce que nos fiançailles restent secrètes. Je repoussais toujours plus l'échéance, parce que je ne savais pas comment en parler à Marien. Peut-être avait-il d'autres projets pour moi, d'autres prétendantes en vue.

Notre couple intriguait, ma position au sein de la famille royale faisait que les regards convergeaient vers Erendis. Ces regards tantôt intrigués, tantôt envieux la jaugeaient sans cesse, se demandaient si elle allait être à la hauteur. Parmi ceux-là, il y avait ma mère, ma vraie mère avec qui j'ai tenté de renouer contact quelques années plus tôt. Nos débuts avaient été difficiles car il fallait réapprendre à se connaître, se réapproprier l'un l'autre. Je savais que Mère n'était pas fan de mon choix de fiancée. Elle ne m'avait jamais rien dit en face, bien entendu, mais j'avais eu quelques échos de personnes que j'estimais dignes de confiance. Ce soir-là, il sembla pourtant que Mona avait décidé de jouer franc jeu et de déclarer ouvertement la guerre à ma fiancée. Elle me parlait tout en faisant comme si Erendis n'était pas là, passant son temps à se plaindre. Quand on parle du loup... « Je déteste savoir que cette fille est là. » Je me tournai vers ma mère, tout en lui adressant un regard glacial. Elle avait les lèvres pincées comme à son habitude, et elle ne reflétait pas la joie de vivre...loin de là. Je serrais les poings, détestant qu'elle me faisait la morale alors qu'elle avait démissionné de son rôle de mère depuis bien longtemps, pleurant la mort de son fils disparu alors que l'autre avait encore besoin d'elle, quoiqu'il en dise. Quoique j'en dise, bien trop fier pour seulement me l'avouer. « Et elle restera là tant que je le voudrai. » rétorquai-je d'un ton sec, en buvant encore une gorgée d'alcool. « Sois raisonnable, mon fils. » me gronda-t-elle en posant une main sur mon épaule. « Elle est beaucoup plus vieille que toi. Sans parler de la réputation de sa famille.  Tu pourrais avoir toutes les jeunes femmes que tu désires, alors, pourquoi tu t'accroches de cette façon ? » Elle m'agaçait. Pourquoi devrais-je me justifier dans le fond ? Les choses étaient ainsi, il n'y avait pas lieu de tergiverser plus longtemps. « elle est bretonne. Elle est à cent pour cent issue des peuples celtes, comme nous. Son sang est pur comme le nôtre, alors, où est le problème ? » Ma mère semblait ulcérée que je la contredise ainsi, mais toutefois elle n'en laissa rien paraître. Elle trouva néanmoins quelque chose à redire à mes paroles, comme toujours. « Mais elle est vieille ! » Je soupirai ostensiblement. N'avait-elle donc rien compris ? « Elizabeth Woodville n'était-elle pas plus âgée qu'Edouard IV lorsqu'il l'épousa ? » Ses yeux clairs – les mêmes que les miens – se posèrent sur moi, m'étudiant en détails, comme si au fond elle me voyait pour la première fois. Ce qui n'était pas totalement faux puisqu'elle s'était purement et simplement désintéressée de moi, jusqu'à présent, maintenant que j'étais devenu comte. C'était un inconnu qu'elle avait face à elle. Un inconnu qu'elle avait pourtant mis au monde. « Je l'aime, mère, et c'est tout ce qui compte. Réfléchis un peu. Mon mariage avec Erendis me rendrait dix fois plus puissant que si j'épousais n'importe quelle fille du comté. » Un tic nerveux avait agité ma tempe alors que j'avais prononcé ce nom, que j'exécrais au plus haut point. «  Une fois cela fait, puisque Erendis est fille de comte elle aussi, nous pourrions unifier nos deux comtés respectifs, et ensemble nous régnerions sur une Bretagne forte. Je pense qu'il serait intéressant pour la Bretagne d'acquérir son indépendance et d'être rattachée directement à la Couronne, plutôt qu'à la famille ducale. » L'expression outrée de ma mère s'accentua, devenant cette fois plus visible. « Que dis-tu ! » s'écria-t-elle « Tu perds la raison, mon fils. Ton père n'approuverait certainement pas. » Qu'elle parle de mon père m'irritait au plus haut point. C'était toujours un sujet brûlant pour moi. Néanmoins, je ne me laissai pas démonter. « Je suis loyal envers la couronne et envers le futur roi de France. C'est à lui que j'ai prêté allégeance et non pas à la famille ducale. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'il ait un jour la couronne qui lui revient de droit, parce que c'est mon destin.  Et quand il y arrivera, il se peut que j'occupe une place de choix dans le gouvernement, et ça, c'est une magnifique opportunité pour notre peuple car comme les Corses avant nous, comme le comté d'Artois, nous sortirons du joug des familles ducales pour accroître le pouvoir du Roi sur ces contrées. » Sur-ce, je la contournai pour pouvoir m'éloigner enfin d'elle. J'avais besoin de respirer, d'évacuer toute cette colère qui commençait à poindre en moi. Il fallait dire que l'alcool n'aidait pas à tempérer mes humeurs, loin de là. En fait, les problèmes étaient toujours là, bien présents. Et ils ne partiraient pas de sitôt. Alors, je bus une gorgée d'alcool, avant de rejoindre Erendis. C'est ce soir-là que notre union fut consommée, comme un avant goût de notre avenir conjugal. Ça n'allait pas être facile, mais cela valait le coup de se battre, j'en étais persuadé.

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011. LEGACY. Être le bras droit du dauphin n'avait rien de simple. Parfois, j'étais exposé à des choix difficiles. Tout devait être calculé pour ne pas porter atteinte à la réputation du clan royal. J'étais un des leurs, maintenant plus que jamais et comme eux, je devais me soumettre au protocole, filer droit. Mes frasques n'étaient pas passées inaperçues dans les tabloïds sorciers et j'avais souvent été la cible des paparazzi. À mes côtés, il y avait Marien, il y avait Tristan, il y avait Raphaël. Nous étions le Quatuor Royal, ce groupe d'inséparables, quatre camarades, quatre frères. Ils étaient là quand j'ai appris la destitution d'Erendis, son éviction de la noblesse. Elle aurait pu devenir reine de la Bretagne si elle n'avait pas été jetée plus bas que terre. Elle était toujours Rosière mais pour combien de temps ? Erendis était devenu un détail gênant, une épine dans mon pied. Beaucoup n'approuveraient pas mon choix de rester fiancée à une déchue, aussi devais-je prendre une décision et vite, aussi difficile soit-elle. Erendis n'était plus digne de mon rang, mais mes sentiments pour elle étaient restés intacts et si j'avais été monsieur tout le monde, je l'aurais sans doute épousée mais je n'étais pas monsieur tout le monde alors je devais agir. Dans un moment d'extrême lucidité – ou de folie, allez savoir – je suis allé demander conseil à Martial. Il saura peut-être quoi faire dans une telle situation. Qui plus est, je me sentais proche de lui, nous avions beaucoup plus de points communs qu'il n'y paraissait. Il était le bras droit du roi actuel, il a été chef de l'Obédience des Onze. J'étais voué à suivre le même chemin que lui, voilà pourquoi je préférais m'adresser à lui plutôt qu'à un autre. Puis, il était le mari de Charlotte, la seule mère que j'avais et  qui en méritât le titre. « Que feriez-vous, à ma place ? » demandai-je finalement, tout en portant un verre de vin typiquement français à mes lèvres. Je savourai le goût fruité et boisé du liquide sur le bout de ma langue, tandis que je toisais Martial d'un air interrogateur, avide de réponses. Je savais que la mort de Charlotte l'avait ébranlé, comme nous tous. Martial s'est réfugié dans le travail, comme j'ai pu me réfugier dans l'alcool et les excès.  « Et toi, que veux-tu faire ? » contra-t-il, laconique comme à son habitude. Je lui adressai un regard circonspect, me demandant où il voulait en venir. Martial était taciturne, tout comme moi, aussi lui arracher un semblant de conversation était-il un véritable défi que je m'efforçais de relever. Il en allait de mon salut. « Si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurais tout de même épousée. » répondis-je avec détermination, tout en fixant celui que je voyais comme un père. « Elle est la seule femme que j'ai jamais aimée. » L'aveu engendra un pic de douleur, difficile à ignorer. Martial me toisait de son regard froid et implacable. Une sueur glacée me dévala l'échine. « Qui es-tu, Nolan le Floch ? » Je baissai la tête. « Je ne sais plus. » C'était la vérité. Je ne savais plus qui j'étais. Je me suis toujours considéré comme faisant partie de la famille royale et pourtant, en pleine tourmente, je me surprenais à vouloir être Nolan le Floch, rien de plus, rien de moins. Nolan le Floch n'avait pas à se soucier de sa réputation, il était libre de faire ce qu'il voulait, d'envoyer valser le protocole si ça lui chante. À l'évidence, je n'étais pas cette personne-là. J'étais presque un Leblois, un membre de cette famille et comme tel, j'étais soumis à certaines obligations. La respectabilité en était une.

Je laissai échapper un profond soupir. À la question qui es-tu, il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse. C'était une des questions les plus difficiles qu'il soit. Une question à laquelle on pouvait répondre par un mensonge, ou par des faux semblants. Une question où, au contraire, on pouvait décider d'être sincère. Je déglutis faiblement, la gorge nouée. Je jetai un autre regard hésitant à l'homme qui était en face de moi. « Il y a quelques années, j'ai porté allégeance à votre famille. » dis-je enfin, avec prudence. « Vous m'avez accepté parmi vous comme si j'étais votre fils, et je vous en serai éternellement reconnaissant pour cela, car vous avez réussi là où mes géniteurs ont échoué. Vous m'avez montré qu'une famille n'a pas forcément besoin de liens de sang pour exister. Vous m'avez montré que la famille, c'est aussi celle du cœur, celle que l'on a choisie. » Un sourire amusé apparut  sur les lèvres de l'homme. Je me raidis légèrement. J'ignorais si c'était bon signe ou non. Allez, soyons fous. J'ai décidé que ce serait bon signe. « J'ai rejoint l'obédience des Onze pour exprimer ma gratitude. Je me suis engagé aux côtés de votre fils, parce que c'est ici qu'est ma place. Je n'ai jamais failli à mon devoir, parce que j'ai donné mon corps, mon âme et mon cœur à la monarchie. » Peut-être que ça lui rappelait sa jeunesse, le jeune homme qu'il avait été. Peut-être même qu'il avait été comme moi, vouant une loyauté sans bornes à son frère aîné, tout comme j'étais profondément loyal envers Marien. « Quand je suis devenu chef des Onze, j'ai prêté serment. » expliquai-je tout en m'efforçant d'avoir l'air digne et fier. « J'ai juré fidélité à la couronne, quoiqu'il m'en coûte. » Martial hocha la tête et me fixa longuement. Mon regard brillait d'une détermination farouche, c'était la détermination du guerrier, du brave, du courageux. « Il se peut qu'un jour, Marien t'appelle à régner à ses côtés. » me dit-il enfin, tout en me fixant avec gravité. « Tout le monde le sait que tu es amené à avoir de grandes responsabilités au sein de son futur gouvernement. Ceci est ton héritage, Nolan. Alors sois-en digne. » Il ne dit rien de plus. Il se contenta de se lever, avant de m'abandonner là, seul face à mes réflexion. Lorsque je décidai d'aller voir Erendis ce soir là, je sus que ma décision avait été prise.  


L'écrivain anonyme PSEUDO / PRÉNOM •  Styxx (Audrey) ÂGE • 26 y.o. #vieillepeau PRÉSENCE • 7 / 7 jours, au point de faire partie des vieux meubles du forum. COMMENT AVEZ VOUS CONNU LE FORUM • C'était il y a très longtemps déjà, j'étais sur la première version. COMMENTAIRE(S) • Vous avez fait ma journée, je n'ai su que hier que le forum allait ouvrir aujourd'hui  brille  AVATAR • Jack Falahee CREDITS • Shiya MOT DE LA FIN • Je vous aime  Tag vieillepeau sur Ad Astra 3681568065
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