Reputation is what others think of us. When you have spent what feels like eternity trying to repair a few moments of time that destroyed the view others once had of you then you must ask yourself if you have the problem or is it really them ?
« Madame ? Madame est-ce que tout va bien ? » Le souffle court, le cœur battant le chamade, Erendis se relève avec un haut le cœur et des frissons dans le corps. Elle se sent défaillir, la tête lui tourne tandis que mille regards l’assaillent. « Madame ? » La voix l’agresse encore. Elle ouvre les yeux pour découvrir une large rue pavée. Paris ? Impossible à dire. Elle perd ses repères, n’est plus certaine du lieu. Elle n’était pas à Paris, de cela Erendis était sûre. Elle se trouvait dans son petit repère, au sous-sol de la maison qui lui restait, dans sa belle Bretagne. « Lâchez-moi ! » Et son cri perça le silence, la ramena tout à coup vers une réalité certaine. Elle lança un regard noir pleins de véhémence à la petite servante qu’elle ne reconnaissait pas et s’éloigna à grands pas. Ces rues lui étaient étrangères, les gens accouraient de vêtements qui n’avait rien à voir avec la mode actuelle. Et partout placardé sur les murs et les vitrines, les mêmes parchemins proclamant la fin de la monarchie et des nobles. C’était impossible. Un mensonge. Une tromperie odieuse. On lui avait jeté un sort. On l’avait empoisonnée ou pire, emprisonnée dans un monde irréel. Une poupée vivante dont on tirait les ficelles en coulisses. Peu importait qui était responsable de cette mascarade. Elle le ferait payer. Il ou elle regretterait son geste inconsidéré. Et tandis qu’elle errait, à peine consciente du monde, cherchant à comprendre comment elle était arrivée ici, elle heurta de plein fouet une âme immobile. Cela ne suffit pas à la réveiller. Son humeur ne changea guère lorsque son regard se posa sur la jeune femme qu’elle venait de heurter. La surprise envahit son visage et puis ce fût l’horreur, la panique et l’incompréhension. « Hortense ? » Rien qu’un murmure, audible d’elles seules. Elle regarde la jeune Leblois, son visage tirée, ses yeux fatigués et ce ventre arrondi. Le monde se dérobe à nouveau sous ses pieds, elle se sent flotter dans l’inconnu. L’émotion la submerge, son cerveau fume, les idées fusent. Quel sortilège se cache derrière cette mascarade, ces faux semblants ? Elle se torture l’esprit, cherche à sortir de ce mauvais rêve. Car il ne peut en être ainsi. Un cauchemar. Elle prend alors conscience des changements sur elle. De cette robe aux motifs fleuris, trop jolie pour elle, trop fantaisiste. De cette bague à son doigt qui la gêne, la brûle. Les sourcils froncés, elle observe l'objet, caresse l'anneau du bout des doigts, en cherche la signification tout en la comprenant déjà. Le flou l'enserre, l'oppresse. Les ténèbres l'entourent.
Elle avait mal au dos, ses jambes étaient des poteaux et elle avait une démarche de canard. Ça y est, elle en était arrivée à ne plus pouvoir apercevoir ses pieds, dissimulés par son ventre arrondi. Elle faisait des efforts pour contenir ses hormones, pour ne pas dévorer dix boîtes de cornes sucrées par jour - elle arrivait à s'arrêter à sept. A huit mois de grossesse, elle avait hâte que ce soit terminé. Hâte de voir cette petite fille qui, elle l'espérait, aurait son sourire plutôt que l'air boudeur de son père. Nolan. Il passait beaucoup de temps au travail, mais il arrivait toujours à se faire pardonner en rentrant chez eux le soir avec une boîte de corne sucrée. En fait, elle se fâchait au début, lui disant qu'il la faisait grossir avec toutes ces sucreries ; puis en fait, elle ouvrait la boîte, avalait une première bouchée et se sentait au paradis. Les cornes sucrées resteraient à jamais sa faiblesse, mais enceinte, c'était pire. Elle avait quand même éclaté en sanglots la semaine dernière en voyant une photo d'elle prise à l'arraché par un paparazzi de pacotille. Fini, la taille de guêpe de danseuse classique. Elle était définitivement grosse et c'était normal, mais difficile à accepter.
Même enceinte jusqu'au cou, Hortense n'avait pu se résigner à se reposer. Certes, elle passait beaucoup plus de temps chez elle, mais ce n'était pas pour y flemmarder. Surtout depuis que Solange avait aboli les privilèges de la noblesse. Royaliste convaincue - ça coulait de source -, elle se battait dans l'ombre pour préserver le monde qui était le sien. Six ans après le chamboulement de l'ordre d'héritage, trois ans après le couronnement de sa chère cousine, Hortense y croyait encore. Nolan aussi, d'ailleurs, et ils n'étaient pas prêts d'abandonner le but de leurs vies. Cet enfant était une parenthèse.
Hortense était sortie de chez elle, décidée à prendre l'air, peut-être à faire quelques achats. Elle avait surtout besoin de marcher. Les pavés parisiens chauffaient sous les rayons du soleil, l'été était presque là. Elle s'était arrêtée un moment devant la vitrine d'une boutique de pâtisseries - non, résiste - lorsqu'elle fut percutée par une silhouette agitée. Elle se retourna, prête à s'énerver, lorsqu'elle reconnut l'auteure de ces troubles, qui regardait d'un air effaré son gros ventre. « Hortense ? » Un murmure, un regard perdu, presque affolé. Comment ne pas reconnaître cette silhouette, ce teint blanc et ses longs cheveux d'ébène ? La ténébreuse Erendis Doriath, devenue Madame Devlin, hantait encore les nuits et les jours de Nolan. Hortense en était certaine, elle n'avait pu sortir cette femme de la tête de son mari. C'était presque douloureux de la voir ainsi, une rencontre hasardeuse qu'elle aurait aimé pouvoir éviter. « Erendis », répondit en retour Hortense, qui tentait de paraître calme alors que cette rencontre l'agitait de l'intérieur. Même son enfant à naître commençait à donner des coups de pieds. Elle observa Erendis un moment, sembla remarquer son trouble alors qu'elle faisait tourner sa bague de mariage. Evidemment, Hortense s'était tenue au courant de ce que devenait Erendis. Ils n'en parlaient jamais, avec Nolan, parce que c'était trop gênant et que ce serait trop douloureux pour eux deux - elle, jalouse et lui, encore amer. Hortense était donc parfaitement au courant de ce qu'elle était devenue : professeure des potions à Beauxbâtons, habitant en Bretagne avec son époux. Elle se rappela même des rumeurs entendus à la sauvette, comme quoi la brune n'arrivait pas à avoir d'enfants. Hortense, troublée, ramena sa veste un peu plus sur son ventre, comme pour essayer de cacher ce qui ne pouvait l'être. « Hum, comment va Connor ? L'année scolaire est bientôt terminée, j'imagine que tu vas retourner en Bretagne pour l'été ? », demanda-t-elle sur le ton de la conversation. Elle était clairement gênée, trop troublée elle-même pour remarquer que son interlocutrice était encore pire.
(reputation is what others think of us. When you have spent what feels like eternity trying to repair a few moments of time that destroyed the view others once had of you then you must ask yourself if you have the problem or is it really them ?) Ce devait être un mauvais tour de sa tête. Elle s’était endormie dans son antre et les effluves et des potions la rendaient folle. Explication logique, presque acceptable. La seule valable. Son esprit divaguait, imaginait des choses. De mauvaises choses. Une souffrance invisible lui enserrait le cœur, lui broyait les organes. Elle ne voulait pas de cette peine incompréhensible qui la submergeait tout à coup sans raison apparente. Stupide âme désorientée dont le cœur s’emballe, s’affole à la simple vue de ce bout de femme changé. Le regard ahuri, elle n’arrive plus à détacher ses yeux pâles de ce ventre si rond. Le ventre noué, la nausée menace. Pourtant, elle demeure fière, bien accrochée à ses jambes sur le sol, droite, digne malgré les circonstances étranges. Elle ne se laisse pas démonter, fait encore honneur à son nom. Plus que tout, Erendis refuse de plier devant Hortense, elle qui lui volera bien assez tôt sa vie. Hortense si parfaite avec ses airs d’ange innocent. Elle se sait plus digne, meilleure qu’elle sur bien des points. Elle se sait plus forte. Erendis n’est pas un ange. Elle vole plus haut, dans la voie lactée, étoile scintillante la nuit. Astre perdue. Et perdue elle l’était. Le monde se mouvait à une vitesse qui la dépassait. Elle ne suivait plus ses mouvements, coincée dans une réalité qui l’effrayait malgré elle. Le regard concentré, les sourcils froncés, elle regardait sans voir. Son cauchemar n’en finissait plus et son esprit refusait de se réveiller malgré toutes ses supplications intérieures. Hortense se tenait devant elle, mal à l’aise comme elle l’était toujours en sa présence. Certaines choses ne changent pas. Mais ses mots coupaient plus dangereusement qu’une dague et son coup la brisa. « Connor ? » murmure d’incompréhension, son visage pâle reflétait une peur enfouie, bannie depuis longtemps. Et alors elle comprit. Son regard quitta enfin Hortense pour se poser sur l’anneau qu’elle touchait encore du bout des doigts. Connor. L’anneau entouré le doigt marital. Son cœur se serra, ses poumons la privèrent d’air pendant un court instant qui sembla durer une éternité. Non. Impossible. « Quelle année ? » Elle ne détache plus ses yeux du petit anneau d’or qui sert son doigt, scelle son destin. Tous les signes sont là et elle se refuse encore à les voir. Les affichettes placardées sur tous les murs, la mode étrange, l’état d’Hortense, cette bague. Sa vie n’était plus la même et ne le serait plus jamais. Par quelque sorcellerie diabolique, on l’avait arraché à son quotidien et plongé dans ce nouvel enfer. Connor. Aurait-il pu lui faire ça ? Auteur de méfaits inconnus, être sournois prêt à tout pour l’avoir. Devait-elle le blâmer pour ce sortilège déstabilisant ? Jamais, de son plein gré, ne se serait-elle marié à cet homme. La mort lui semblait presque un supplice plus doux. Connor Devlin. Jamais ! Elle n'a pas le temps de se comporter comme une idiote. Erendis Doriath doit demeurer. Elle se reprend, oublie la bague pour un instant, croise le regard d'Hortense et lui crache son venin au visage. « Qui t’as mise dans cet état ? » Ses yeux brillent d’une étincelle ranimée, un feu brûlant qui la consume. Elle obtiendra des réponses. D’une façon ou d’une autre, la vérité s’imposerait à elle.
« Connor ? », entendit-elle Erendis murmurer, avant de jeter un regard qu'Hortense qualifia d'horrifiée vers sa bague de mariage. C'était si terrible que ça ? Ils étaient peut-être en instance de divorce et Ortie ne le savait pas. Elle n'était pas au courant de tout, malgré qu'elle aurait aimé l'être. Elle observait l'attitude d'Erendis, un sourcil relevé, curieuse et toujours troublée. La présence de la brune la mettait déjà mal à l'aise, mais son comportement était également très étrange. « Quelle année ? », finit-elle par demander, un peu bourrue. Hortense ne put cacher son étonnement et fronça carrément les sourcils, avant de répondre : « Euh, 2028. Depuis presque six mois. » Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Hortense, devenue psychomage, avait déjà vu des cas d'amnésie et franchement, ça y ressemblait un peu trop à son goût. Ou alors, elle avait attrapé une insolation, c'était peut-être envisageable au vu du soleil qui tapait et de la chevelure sombre d'Erendis qui devait forcément attirer les rayons solaires encore plus. Elle aurait peut-être dû mettre un chapeau. Les pensées d'Hortense fusaient dans sa tête, elle préférait se focaliser sur les troubles de son interlocutrice plutôt que sur les siens. Il y a un instant de flottement, elles ne parlent pas, chacune occupait par leur propre pensée. Hortense suffoque, elle a chaud au pic du soleil, son ventre est lourd et sa robe pas assez légère. Puis, ça lui fait mal aux pieds de piétiner comme ça sur place. « Qui t’as mise dans cet état ? », lui crache Devlin. Elle suffoque un peu plus, parce qu'elle ne comprend pas et qu'elle tente de déceler le piège dans cette question. Tout le monde sait qu'elle a épousé Nolan en grande pompe trois ans plus tôt. Un mariage royal, très médiatisé. Personne n'avait pu louper ça. Surtout pas Erendis. Alors, qu'est-ce qu'elle voulait insinuer ? Qu'Hortense trompait son mari ? Eh bien non, elle n'avait jamais connu d'autre homme que lui, jamais. Avant leur mariage, elle n'avait même jamais eu de petit ami ou quelque chose du genre. Non, elle était sérieuse et surtout rêveuse. Elle tombait amoureuse de personnages de romans, d'acteurs dans des films à l'eau de rose. Nolan, il était passé de statut de frère à celui d'époux. C'était un peu bizarre, pensé comme ça, ça faisait mauvais genre. Incestueux. Mais non, ce n'était pas du tout ça. Passé l'instant de surprise et de doute, Hortense avait trouvé que c'était une bonne idée de la part de Marien. Elle préférait cent fois être mariée à Nolan, qu'elle connaissait et qu'elle affectionnait, plutôt qu'à n'importe quel noble du royaume. Les mariages arrangés, ce n'était pas toujours très arrangeant. Ça amenait du malheur, de la tristesse, des adultères. Ça pouvait aussi très bien marché, mais c'était quand même plus rare. Hortense ne considérait pas son mariage comme arrangé. Marien avait émis l'idée et Nolan et Ortie avaient approuvé. Il avait fallu imaginer Nolan comme un mari et un amant, pouvoir se déshabiller devant lui, qu'elle connaissait depuis qu'elle était enfant. Mais leur couple fonctionnait. Ils formaient un duo soudé, s'épauler dans leur quête commune. Et puis, ils allaient avoir un enfant. « Eh bien, c'est Nolan. Evidemment. » Son ton était calme, mais elle l'avait un peu mauvaise pour cette attaque qu'elle ressentait personnellement. Elle avait presque envie d'être aussi mauvaise que cette vipère et lui asséner qu'elle donnait à Nolan ce qu'elle n'aurait jamais pu lui offrir. Mais cela aurait été méchant et ne ressemblait pas à Hortense. De plus, Nolan ne se montrait pas si joyeux à l'idée d'un enfant à naître. Il était parfois distant, apeuré à l'idée de reproduire les erreurs de ses propres parents. Hortense était toujours là pour le rassurer lui, quand elle aurait voulu qu'il la cajole et la chouchoute. Heureusement, elle avait des domestiques et Nolan, quand même, lui offrait régulièrement des cornes sucrées.
(reputation is what others think of us. When you have spent what feels like eternity trying to repair a few moments of time that destroyed the view others once had of you then you must ask yourself if you have the problem or is it really them ?) Un coup de masse l’assomme, elle prend un grand coup dans le ventre, recule d’un pas sous l’effet du choc. 2028. Non. Impossible. Tout son être hurle de s’échapper, de courir loin de cette folie. Son corps refuse de bouger, ses jambes la supporte à peine. 2028. L’année résonne dans sa tête, se rit d’elle et de sa stupidité. Elle ne parvient plus à s’expliquer la situation. Quel genre de sortilège peut amener quelqu’un à vivre dans le futur ? Si cela est bien le futur et pas une réalité déformée, fausse, mensongère. Ce devait l’être. Elle ne pouvait pas réellement être mariée à Connor Devlin. Dans quel monde aurait-elle accepté cette union ? Froide Erendis Doriath, cœur de pierre où l’amour ne pouvait s’infiltrer. Cet anneau à son doigt l’affaiblissait, la rendait vulnérable. Elle dépendait d’un homme et pas d’un de ceux ayant de l’influence. Elle s’était rabaissée, n’était réellement plus rien. Erendis Devlin. Elle caressait l’anneau sans même s’en rendre compte, geste machinal, presque tendre. Cette ignorance la tuait. 2028. Comment ? Pourquoi ? Dans quel but l’avait-on amené ici ? Pour la tourmenter, lui faire perdre la raison, amener son esprit dans les limbes. Elle se masse les tempes, essaie d’empêcher une migraine de l’atteindre. Elle n’a pas le temps de penser à une solution, Hortense l’attaque à nouveau et avec des mots plus durs que jamais. Son cœur saigne, percé de mille lances acérées. Nolan. Elle sent les larmes montaient à ses yeux, une boule de rage se former dans sa gorge. Elle se contient. Forte Erendis Doriath.
« Evidemment. » susurre-t-elle entre ses dents. Elle lui lance un regard noir, la méprise plus que jamais. Ainsi 2028 ne lui apporte qu’un mari de bas étages tandis qu’Hortense obtient tout ? Princesse dans une tour d’ivoire, on ne refusait jamais rien à la petite Hortense. Si elle n’avait pas été dans cet état, Erendis n’aurait pas hésité à lui jeter un sort. A supposer que sa magie était intacte. Une énigme de plus « Menteuse !! » Elle lui hurle au visage, lui crache son venin. Elle est prête à argumenter, à se lancer dans un grand discours, à détruire Hortense à coup de mots. Mais le temps lui manque. Une main se pose dans le creux de son dos, elle frissonne, cesse de respirer tandis qu’une voix rauque vient lui chatouiller les oreilles. « Te voilà enfin ma reine. » Son cœur s’emballe, échappe à son contrôle. Leurs mains se rencontrent, s’assemblent et elle regarde ce spectacle abasourdie. « Tu as fait paniquer notre pauvre Mathilda. » Derrière lui, essoufflée, la servante qui avait tenté de la retenir se tenait, penaude. Elle panique Erendis, incapable de bouger, de parler ou même de respirer. Elle a les yeux perdus dans les siens, y cherche une quelconque réponse. Il ne remarque rien, dirige déjà toute son attention sur Hortense, comme tous les autres l’ont toujours fait. Certaines choses ne changent jamais. « Miss Le Floch. » Il la gratifie d’un sourire sincère qui lui retourne le cœur. Elle n’arrive plus à détourner le regard de ce visage changé et pourtant si inchangé. Ces yeux bleus profonds, ce sourire à en faire pâlir des nonnes. Et elle resserre son étreinte autour de sa main comme pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un rêve. Comme pour être bien certaine qu’il ne va pas s’évaporer. Connor Devlin. Pourquoi ne parvient-elle pas à s’en détacher ?
La situation était trop hasardeuse, trop gênante. Hortense ne se sentait pas bien, elle se sentait attaquée rien que par le regard venimeux qu'Erendis lui jetait. Elle avait mal aux jambes, elle avait chaud, elle avait envie de s'enfuir. De tourner les talons et de s'éloigner de cet enfer, du regard terrible de son interlocutrice et des rayons du soleil qui lui tapaient sur la tête. Elle avait envie de partir en courant, sans se retourner, sans s'arrêter jusqu'à être rentrée chez elle. De se gaver de cornes sucrées en attendant le retour de Nolan. Elle pourrait même lui tomber dans les bras et pleurer au creux de son épaule, se plaindre de sa rencontre horrible avec Erendis Devlin. Mais non, elle savait qu'elle ne pourrait pas le faire. Elle ne pourrait pas mentionner cette rencontre car elle savait d'avance les conséquences. Ça remuerait le couteau dans la plaie, ça ferait émerger des vieux souvenirs qu'elle a mis du temps à enfouir. Ça lui ferait du mal et elle ne veut pas de ça, parce que ça finirait immanquablement par lui faire du mal aussi. Hortense était consciente que son mari n'oublierait jamais son premier amour, cette femme à qui il avait renoncé. Pour Marien, pour la couronne, pour la monarchie. « Evidemment. » Hortense l'entend à peine murmurer entre ses dents, mais elle est pétrifiée face à ce regard, cette haine pure. L'eau n'avait-elle pas coulé sous les ponts ? Apparemment non et la rage était toujours là, vivace, ardente. « Menteuse !! », finit-elle par hurler. Hortense sursaute, choquée. Erendis lui aurait craché au visage que ça aurait eu le même effet. Elle porte la main à son ventre, comme pour protéger son enfant à venir du venin de la brune. Hortense voit de la folie dans les yeux d'Erendis et elle en mettrait sa main à couper que si elle avait pu, cette femme lui aurait fait du mal. Elle reste là, plantée, sidérée par tant de cruauté et de folie. Elle y croit à peine et en même temps, elle sait que c'est du Erendis tout craché. C'est l'image qu'elle a gardé de cette femme, toujours haineuse, mauvaise et perfide. Comment Nolan avait-il pu l'aimer ? Elle n'a pas de réponse à cette question et elle n'a pas non plus de réponse pour l'attaque d'Erendis. Elle ne sait que dire, elle laisse couler, laisse passer ce moment de flottement où les deux femmes se regardent sans un mot.
Hortense voit arriver l'homme avant Erendis, qui tressaille lorsqu'il s'approche d'elle. « Te voilà enfin ma reine. » Ortie fait rapidement le rapprochement. Connor Devlin. Elle ne l'avait jamais vu, ne savait pas à quoi il ressemblait jusqu'à cet instant. Il parait jovial, un soleil face à Erendis qui n'est que nuit noire et ténèbres. « Tu as fait paniquer notre pauvre Mathilda. » Hortense entend la conversation sans vraiment l'entendre. Elle reste là, encore sous le choc, médusée. Elle regarde à peine la jeune fille qui vient d'arriver, essoufflée. Une domestique, sans aucun doute. « Miss Le Floch. » Il la salue en souriant et Hortense avale sa salive pour se donner un peu plus de contenance. « Monsieur Devlin », dit-elle à son tour pour lui rendre son salut. L'arrivée du mari d'Erendis a fait baisser la tension. « Je crois que votre femme ne se sent pas très bien. Peut-être une insolation, ou que sais-je. Vous feriez mieux de la ramener chez vous. » Son ton est poli mais son regard est sombre lorsqu'elle pose de nouveau ses yeux sur Erendis.
(reputation is what others think of us. When you have spent what feels like eternity trying to repair a few moments of time that destroyed the view others once had of you then you must ask yourself if you have the problem or is it really them ?) Les yeux brillant, perçant, nuances de bleu et de gris. Des yeux emplis d’une folie passagère qui la consumait, la rendait irrésistible, dangereuse et surtout imprévisible. Elle regardait Hortense, la sondait, chercher à percer sa peau, à entrer dans sa tête comme un serpent vicieux. La situation la dégoûtait, lui donnait la nausée. Comment pouvait-elle porter l’enfant de Nolan ? Quel monde cruel laissait une telle chose arriver ? Et tandis qu’elle se tenait là, la main crispée sur celle de son époux fraichement découvert, ses yeux s’éteignirent. L’étincelle de vie s’évapora tandis qu’elle comprenait que le destin l’avait rattrapé. Triste fatalité à laquelle elle n’échapperait pas. C’est écrit dans le ciel avec pour lettres les étoiles. Elle s’affaisse la belle Erendis, puissante Erendis réduite au silence, laissée de côté, abandonnée à une vie sans couleurs. Elle comprend, prend la mesure de cette réalité, se refuse pourtant à l’embrasser pleinement. Alors elle se raccroche à la seule chose tangible dans ce monde. Connor. Elle serre sa main, refuse de lâcher, le sait réel, le sait près d’elle, le sait prêt à tout pour sa reine. Terrible réalité dont elle prend enfin conscience. Ici, là-bas, maintenant, hier ou demain, Connor était, est et sera là. « Cesse donc de te mêler de ma vie jolie plante. » Elle la toise de son regard mesquin, se redresse, reprend ce port de reine qui lui sied et qu’on lui connait. Elle ne respecte pas Hortense, le n’a jamais fait et ne commencera jamais. Elle n’a pour elle que du mépris, de la colère et de la jalousie. « Je me sens très bien. C’est plutôt toi qui dois te sentir mal dans ce corps boursouflé. » La panique laisse place à la méchanceté légendaire qui lui colle à la peau. Elle ne sera plus la victime de cette sinistre farce. Elle affronte la situation, la gifle, lui crache au visage. Debout, les pieds ancrés dans le sol, elle regarde le monde tel qu’il est sous ses yeux. Et s’il ne doit plus changer alors soit. Digne Erendis Doriath. Fière Erendis Devlin. Elle ne laisserait pas Hortense la rabaisser de nouveau, ne la laisserait pas gagner ce combat singulier. Elle avait suffisamment gagné sans en plus la priver de ce moment.